Ce qui est bien avec Jacques Chirac, c’est qu’il ne nous déçoit jamais. Il repousse toujours plus loin les limites du ridicule. Il vient d’inventer une alternative à la promulgation ou au retrait d’une loi : il promulgue mais n’applique pas, dans l’attente d’une nouvelle proposition de loi qui vendra modifier la première avant même qu’elle ne soit appliquée. Si l’on suit bien, le seul intérêt de la formule réside dans le fait d’éviter l’aveu gênant : cette loi est merdique, antisociale et source future d’engorgement des tribunaux. Qui plus est, cette stratégie n’est faite que pour maintenir Villepn dans le jeu face à Sarkozy. Bref, comme à son habitude, Chirac ne gouverne pas, il calcule... Le pire, c’est qu’on ne peut même pas dire que ce genre d’attitude soit l’apanage de la droite. Car le procédé de promulguer sans appliquer en attendant une refonte qui ne dit pas son nom, cela me rappelle Delanoë embourbé dans le concours d’architecture des Halles. Incapable d’assûmer les propositions audacieuses de Kolhaas, Maas et Nouvel, il s’est rabattu sur le triste Mangin, architecte inféodé à la ville, lui concédant la victoire tout en promettant des nouveaux appels d’offres par tranches (forum, jardins, ...) auxquels il ne pourrait participer. Bref, la victoire de l’eau tiède.
Et c’est finalement le plus gros problème de la France, qu’on juge irréformable : de même qu’en architecture, la concertation citoyenne a dégénéré en trouille électorale de l’originalité (qui en France oserait Beaubourg aujourd’hui ?). De même, je pense que les français accepteraientt des réformes dures et vigoureuses, voire autoritaires si ils sentaient que la motivation principale relève de l’intérêt général plus que des intérêts privés, voire électoraux. Bref, que nos hommes politiques cessent d’être minables dans leurs actes comme dans leurs motivations, voilà le préalable à un retour de l’action politique.