2007 commence fort. Prenant la résolution de ressuciter ce modeste blog après des mois d’arrêt forcé, je m’apprêtais à faire un édito moqueur sur le ridicule des mois qui nous attendent, au fil de cette campagne présidentielle qui promet d’être une mascarade. Un titre du « Parisien » m’en avait donné l’envie : « Match Sarkozy-Royal : c’est parti ! ». Je me proposais d’ironiser sur ce titre qui résume bien la bouffonnerie à laquelle le débat démocratique est réduit.
Bon, c’est vrai, je souhaitais aussi faire un article de fond, un peu plus austère, sur ce qu’on pouvait retirer de l’exécution de Saddam Hussein. Ce sera fait dans les prochains jours.
Mais ce soir, Hrant Dink est mort, tombé sous les balles de pseudo-nationalistes turcs. Je dis pseudo, non pas pour évoquer la possibilité d’une provocation pour décrédibiliser la Turquie (ça serait trop facile), mais juste parce que la palette d’agités qui auraient pu vouloir sa mort est trop large. Comme toujours dans ce genre d’histoires, les modérés sont souvent ceux qui meurent pour des idées, alors que les fanatiques des deux bords dépassent bientôt Mathusalem dans la longévité.
Hrant Dink, soyons franc, j’ignorais son existence jusqu’à l’été dernier, jusqu’à ce que l’observatoire du communautarisme me demande un article sur la proposition de loi pénalisant la négation du génocide arménien. Sa position singulière de modéré attaqué de toutes parts me l’avait rendu immédiatement sympathique. A l’instar d’Eyal Sivan, cinéaste israélien s’élevant contre la construction du mur de sécurité, lui aussi menacé de mort, Hrant Dink était dans cette position singulière d’extrêmiste de la liberté d’expression, une sorte de terroriste intellectuel défendant mordicus le triomphe de la raison.
Est-ce l’Etat turc ou des éléments ultra-nationalistes incontrôlables qui ont commis cet assassinat ? Est-ce que ça revient au même, comme Hrant Dink lui-même le sous-entendait dans son dernier éditorial ? On pourrait dire : laissons faire la justice. Mais laquelle ? Déjà les différents organismes arméniens de France ont récupéré la mort de Hrant Dink à leur profit, et ont déjà bouclé l’enquête : l’Etat turc est responsable, un point c’est tout. Si ça se trouve, ils ont peut-être raison. Mais est-il intéressant d’écouter des gens dont la réflexion n’est mue et orientée que par une haine inextinguible, sans aucune volonté de réconciliation (ça vaut pour tous les ultras, arméniens et turcs).
Hrant Dink, lui, n’avait pas la haine ; ça lui laissait du « temps de cerveau disponible » pour réfléchir à un avenir possible. Mais Hrant Dink, maintenant qu’il est mort, est récupéré par les partisans de la pénalisation du génocide alors qu’il était contre. Sa mort donne envie, en ce mois de janvier, d’emboîter le pas à Desproges : Bonne année mon cul !.