De mon point de vue, la réponse est oui, sans équivoque. Mais peut-être pas pour les raisons le plus souvent évoquées ; en tous les cas, le problème ne se résume pas à un clivage entre France chrétienne et France laïque.
Il est sans aucun doute choquant que la République mette les drapeaux en berne pour un motif qui n’est pas universel. Analysons pourquoi les deux explications avancées ne tiennent pas : si l’on célèbre le chef d’état ami de la France et homme de paix, quid de la mort de personnalités telles que Saddate, Rabin, Arafat, et j’en passe ? Si l’on célèbre le chef spirituel, alors on attend de voir ce qui se passera à la mort du Dalaï Lama... Sur le chapitre des Préfets, ce qui est choquant ce n’est pas leur présence aux messes : cela fait partie de leurs prérogatives, et ceci pour tous les cultes reconnus par la République ; ce qui choque, c’est plutôt l’injonction médiatique par le ministre de tutelle. Cela ressemble furieusement à un geste de communication.
Le plus choquant, finalement, c’est surtout l’inconsistance de nos représentants : parce que, quelques mois après que l’on nous a expliqué que la loi sur le voile concernait en fait tous les signes ostentatoires (les voiles, les kippas, les "grosses" croix -notez la nuance !), la République marque rien moins qu’une préférence par son geste. Avait-on besoin de ça en pleine montée des communautarismes, où les uns se dressent contre les autres, juifs contre arabes, juifs et "blancs" contre noirs, etc. ? Quoi de mieux pour s’acheter un désordre social à venir ? Encore une histoire de pompiers pyromanes...
Je finirai par une petite parenthèse sur l’hystérie médiatique ayant entouré la mort du pape. Les portraits hagiographiques ont soigneusement oublié de mentionner les aspects sombres du personnage : sa lutte contre l’avortement qui a ouvert un boulevard de légitimité aux lobbies pro-vie, sa lutte contre le préservatif qui a aidé à condamner à mort les africains croyants que la famine aurait épargnés, sa lutte politiquement active contre le bloc soviétique (bravo !) qui tranche avec son simple appel au partage (ah, les bonnes intentions) pour lutter contre les pauvretés générées par la société de marché. J’en passe et des pas meilleures.
Pourtant, l’action d’un homme peut être d’autant mieux célébrée qu’elle est restituée jusque dans ses contradictions : regardez Mandela.