Ah, on l’a entendu, depuis plusieurs années, le fameux discours de nos hommes politiques pour justifier leur silence vis-à-vis de la Chine sur la question des droits de l’homme : bien sûr, c’est bien malheureux, mais il y a un temps pour tout. Un temps pour faire prospérer notre économie en leur vendant des airbus et de centrales nucléaires, et un temps pour parler d’humanisme. On en a même entendus qui prétendaient que l’économie permettrait de faire évoluer les mentalités là-bas, parce que tout de même la Chine, c’est un autre monde, une autre culture, etc. Ah, les vertus du marché !
Mais voilà que ces mêmes vertus se retournent contre nous : l’Europe, se rendant comte de la faillite programmée de ses filières textiles, a décidé de prendre in extremis des mesures protectionnistes pour se protéger du péril jaune. Et bien évidemment, le gouvernement chinois invoque ces mêmes lois du marché pour se défendre : le commerce chinois se conforme aux règles de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce). C’est donc de plein droit que la Chine paie ses ouvriers 0,53€ / heure, contre 11€ chez nous, pour un prix de revient par conséquent très inférieur. Et revoilà les droits de l’homme, et les conséquences du silence : on a permis hier l’inscription dans les règles du marché d’un système esclavagiste, reposant entre autres sur le travail forcé des prisonniers politiques ; aujourd’hui, c’est un pan de notre économie européenne qui vacille, avec toute la casse sociale qui l’accompagne.
Quelle est la conclusion de tout ça ? Peut-être que les valeurs morales et éthiques, ou leur absence, finissent toujours par interférer sur l’économie. De quoi faire réfléchir tous ces libéraux convaincus qui rêvent d’une Europe de la concurrence, régulée uniquement par le marché.