Aujourd’hui, nous aurons sûrement droit aux déclarations compassées des élus républicains de tous bords appelant à se souvenir et à tirer les leçons de ce triste jour du
21 avril 2002. Cet éternel voeu pieux viendra conforter une tragique tartuferie : le front républicain invoqué à chaque secousse électorale par les élus des deux partis majoritaires leur sert surtout à proroger un système qui leur profite. Mieux vaut la prorogation d’une cinquième République malade de sa sclérose institutionnelle, qu’une véritable remise à plat qui ne profiterait pas forcément aux hommes en place ; je trouve que le barrage au fascisme a bon dos.
Le 21 avril, ce qui m’a choqué plus encore que l’ascension de la bête immonde, c’est le manque de sang-froid des socialistes, qui ont appelé dès 20h02 à voter Chirac, alors qu’une petite connaissance du droit constitutionnel leur aurait permis de savoir que même l’élection du chef frontiste ne lui permettrait pas de gouverner faute de pouvoir obtenir une majorité parlementaire. Mais tout ça n’était pas innocent. Je pense que les 82% de
J.Chirac ont surtout évité à la droite comme à la gauche de se remettre au travail avant les législatives. La promesse d’un "troisième tour social" mort-né n’a été qu’une pommade destinée à faire rentrer plus facilement cette idée dans les têtes (pour rester correct). Depuis 2002, je me repose souvent la même question : valait-il mieux lutter contre Le Pen ou se résigner sous Chirac ? Je me surprends parfois à rêver d’une population qui prendrait le risque d’un grand désordre pour affirmer ses choix...