on voit mieux la route
Accueil du site(Dés)information et Politique politicienne
Brèves
Juger les victimes ?
samedi 23 juin
Rachida Dati, ni pute ni soumise de la justice, a présenté les grandes orientations de sa réforme de la justice, d’avance un grand succès : elle a d’ores et déjà réussi à mettre les avocats dans la rue dans plusieurs villes de province avec son redécoupage de la carte judiciaire (décidément, le (...)
 
Le nez dans la choucroute !
vendredi 22 juin
Mais Gott verdammi noch e mol, ça sert à quoi d’être le seul conseil régional resté à droite après la pile de 2004 si c’est pour se voir cocufié par le Président lui-même ? Tel un Maurice Leroy ordinaire, Jean Ueberschlag, sanguin et néanmoins sympathique maire de Saint-Louis, a du mal à avaler (...)
 
Caramel mou, caramel dur
mercredi 20 juin
Entre les deux tours de la législatives, notre excellent premier ministre a fustigé cette gauche qui « pratique la justice sociale comme on offre un caramel mou ». Fillon lui, n’est pas un caramel mou, on peut en être sûr. Mais ce qu’il ne sait pas, ou plutôt feint de ne pas savoir, en bon (...)
 
Fadela Amara, pas pute mais soumise ?
mercredi 20 juin
Il y a des jours où je me dis que le PS est définitivement bon pour la poubelle (Les investitures aux législatives ont montré que derrière la prétention de modernisme et d’ouverture de S. Royal se cachait un grand vide). Voilà coment Sarkozy, en matière d’ouverture à la diversité et à la (...)
 
Maurice Leroy ou l’éternel cocu
mercredi 20 juin
Cocu un jour, cocu toujours. Je sais que ce n’est pas très charitable de se moquer, mais je ne résiste pas. Maurice, mon Maurice qui se fait appeler Momo dans sa circonscription et qui appelle ses groupies rurales les momottes (authentique !), tu as encore raté ton coup. Toi le modèle du (...)
 
Le Storytelling à la Française : une maladresse pathétique et salutaire
dimanche 25 février 2007
par Pierre-Jérôme Adjedj
popularité : 53%
Le Storytelling, levier essentiel du discours politique américain depuis Ronald Reagan, est en train de contaminer l’espace du discours politique français, qui n’en avait nul besoin.

Qu’est-ce que le Storytelling [1] ? Définition simple : le fait de substituer aux arguments raisonnés et aux analyses chiffrées le poids d’une bonne histoire. Cette technique, véhiculée par les spin doctors (tiens, encore un mot qui fait son apparition dans l’espace de la campagne présidentielle), consiste à appuyer d’une histoire vraie l’argument le plus creux pour lui donner une consistance, un poids, un impact auprès de l’auditoire. L’efficacité du procédé va même jusqu’à « fictionnaliser » des personnages réels, tels les membres du cabinet Bush, présenté ainsi par le Président américain : « Chaque personne a sa propre histoire qui est unique, toutes ces histoires racontent ce que l’Amérique peut et doit être »

Il n’est donc pas surprenant que cette technique, dont les maîtres d’oeuvre sont souvent des personnes issues de l’univers de la fiction [2], s’étende également au monde de l’entreprise comme clé d’un managing efficace.

Le déploiement du Storytelling en France est plutôt inégal pour le moment. Certes, on assiste à une percée des fictions d’entreprises reproduisant des problématiques managériales via un scénario sur mesure joué par des acteurs. Cette technique vient en complément, sans les remplacer, des stages de théâtre en entreprise et autres démarches de coaching. Ces démarches ne sont après tout que le dernier avatar en date des outils à réintroduire de l’humain dans un système économique ultra-libéral toujours plus désincarné ; ce ne sont pas les employés du site de Renault Guyancourt qui me contrediront [3].

Dans le domaine politique, l’effet de l’introduction du Storytelling est, pour l’instant, plutôt comique. En terme de maladresse dramaturgique, les tentatives françaises seraient pour l’instant aux américains ce que Chateauvallon est à Dallas (c’est à dessein que je compare deux objets aussi peu désirables l’un que l’autre, mais dont l’un témoigne d’un savoir-faire professionnel). Petit panorama non-exhaustif de maladresses vues et/ou entendues ces derniers temps.

L’ACCUMULATION. Ségolène Royal, dans son discours de Villepinte, cherchant à justifier sa démarche participative et l’utilité de ses nombreuses réunions Tupperware, se lance dans une énumération de cas particuliers. Extrait : « Il faut tout revoir, tout repenser - et ne craindre ni d’imaginer ni d’inventer. Il faut entendre et lire, dans les cahiers d’Espérances issus de nos débats participatifs, le cas d’Odile, cette mère célibataire, admirable de courage et de dignité, qui attend un logement depuis 4 ans et raconte sa honte de vivre, avec ses deux filles, dans une chambre de 12 m². Il faut entendre Martine me dire, les yeux secs, le regard fier, mais les larmes dans la voix : « quand les enfants sont invités à un goûter d’anniversaire, j’invente une excuse pour qu’ils n’y aillent pas parce que je ne peux pas rendre l’invitation ». Il faut entendre ce père de famille alsacien que je n’oublierai, moi, jamais : « je vis le RMI comme une maladie honteuse ; je ne veux pas être un assisté malgré moi ; je ne veux pas que les enfants me voient comme ça ». Ou encore, à Roubaix, l’histoire d’Adeline, terrorisée à l’idée de retrouver, après notre débat, un mari violent et dont elle ne sait pas qu’il sera capable, un jour, de la battre à mort [4], comme le subissent trois femmes par semaine. Ces cris de détresse silencieuse, ces pauvres vies brisées, ces familles humiliées, ravagées par la misère et l’iniquité, ces destins marqués au sceau d’une malédiction qui ne dit pas son nom - c’est tout cela que j’ai à l’esprit, là, à l’instant de m’adresser à vous et c’est cela qui me donne le désir de me battre, de vaincre et de proposer cette politique d’alternance qui, seule, sera capable de surmonter les crises. »

On peut noter plusieurs maladresses, dont chacune est suffisante seule, qui discréditent le principe d’histoire vraie. La répétition litanique de l’expression « il faut entendre » qui marque trop fort le caractère argumentatif et coupe de l’émotion du récit. De même, le terme « cas » qui donne une connotation zoologique aux témoignages. Certes, elle emploie deux trois fois « me » ou « moi ». Mais le fait de dire qu’elle n’oubliera jamais l’histoire de ce père de famille fonctionne dans le cadre d’une histoire unique : comme elle énonce une liste, cette histoire disqualifie la portée des autres. Et comme elle essaie par ailleurs de leur donner une importance égale, il y a dissonance. Pour terminer sur Ségolène, on peut noter la cohabitation malheureuse de l’histoire de la femme battue, à forte charge émotionnelle, avec la statistique (trois par semaine) qui au lieu d’inscrire le particulier dans le général, ruine l’un et l’autre.

LE CONTRESENS Laurence Parisot, patronne du Medef, s’adonne elle aussi à cette pratique. Intervenant dans une émission de France-Culture pour présenter son « Livre Blanc », La patronne d’IFOP, cherchant à illustrer son propos sur les chefs d’entreprises qui ont du coeur et qui sont effondrés quand ils ne peuvent pas augmenter les salaires [5], elle dit qu’« elle n’oubliera jamais ce patron qui, des larmes plein les yeux, lui a dit qu’il ne pouvait pas s’en sortir avec une augmentation du SMIC ». Cocasse, non ? Chassez le naturel patronal... Parisot ne s’est même pas rendu compte du glissement de sens entre un patron triste de ne pouvoir augmenter les salaires (son choix personnel donc) et celui qui ne peut subir une augmentation du smic (que l’Etat lui impose au nom des minimas sociaux). Le résultat est donc un aveu de facto du véritable problème patronal : il consiste moins dans l’incapacité à augmenter ces pauvres salariés qui pourtant le méritent qu’à vouloir une suppression des charges et du carcan du droit du travail. On révèle le patron sans coeur en voulant parler du patron humaniste au coeur brisé. Édifiant. Mme Parisot, en employant le Storytelling a, pour le dire sans élégance, uriné contre le vent...

TROP D’HISTOIRES TUE LES HISTOIRES Nicolas Sarkozy ne peut, lui, être taxé d’une aussi grande maladresse. Force est de reconnaître que Monsieur le Ministre d’Etat maîtrise plutôt bien ses discours, illustrant les points les plus intolérables de son programme par des exemples bien sentis [6]. Son problème serait plutôt sur l’histoire globale : parce qu’à force de segmenter son discours en fragments catégoriels, pour des communautés ethniques, professionnelles ou autres aux intérêts opposés, Sarkozy dessine, pour reprendre l’expression d’un autre [7]« le portrait d’une France qui n’existe pas ». De sorte que c’est dans ce cas l’histoire globale qui souffre d’un problème de crédibilité, qui pourrait bien finir par apparaître à chacune des communautés qu’il a tenté de rassembler.

LES PIONNIERS Pour finir, il faut reconnaître à certaines personnalités politiques un talent de pionniers dans l’art du Storytelling (à une époque où ça n’existait pas en tant que tel en France), parfois à leurs dépens. Bernard Tapie, grand camelot des affaires passé à la politique, a été précurseur. Hélas pour lui, sa relative inculture lui a fait parfois commettre des bourdes voyantes (même si personne n’en a fait grand cas) qui ont révélé la fausseté de son discours. Exemple : son face à face homérique avec le détestable Elkabbach. Pour mater son prétentieux et droitier interlocuteur, Tapie entreprend de se raconter en grand voyageur. Evidemment, Elkabbach lui dame le pion en évoquant ses si nombreux voyages en Chine. Tapie esquive en se décrivant en laboureur infatigable du terrain hexagonal, lieu selon lui du véritable enjeu ; c’était bien joué, dans la mesure où Elkabbach n’est pas Chirac : la France profonde échappe à ce parisianiste patenté. Hélas, Tapie lui dit qu’il faut aller « à Pau, à Orthez, ... » : les deux premiers noms qui lui viennent sont ceux d’un club de Basket fruit de l’entente entre deux villes (Pau-Orthez). L’histoire de Tapie s’écroule.

L’exemple précurseur le plus réussi, il m’en coûte de le dire, est celui du fameux discours sur « bruit et l’odeur ». Parce qu’aussi révoltant que cela paraisse, l’histoire de Chirac, malgré son outrance et ses détails irréalistes [8], capitalisait les angoisses et fantasmes d’un certain nombre de français.

C’est pourquoi on peut finalement être satisfait de la maladresse actuelle de nos hommes politiques dans le domaine du Storytelling, qui masque un petit peu moins, pour le moment, la vacuité du discours.

 

[1] Pour plus de détail sur le Storytelling, on se reportera à l’excellent article de Christian Salmon dans le Monde Diplomatique de Novembre 2006

[2] Robert McKee, par exemple, grand maître de l’enseignement du scénario à Hollywood, est devenu un spécialiste de la question

[3] on déplore sur le site quatre suicides pour ces trois derniers mois ; le dernier a laissé une lettre explicite désignant les conditions et le rythme de travail comme cause principale de son acte

[4] Ben pourquoi tu ne lui as pas dit, Ségolène ? Tu aurais dû la raccompagner chez elle ou lui proposer quelque chose, autrement on appelle ça non-assistance à personne en danger

[5] ce à quoi le présentateur n’a pu s’empêcher de répondre que l’épreuve majeure est tout de même du côté du salarié

[6] à défaut de pouvoir s’appuyer trop fort sur l’histoire de ses soutiens : le parcours d’enfant des cités de Doc Gynéco, par exemple, n’est ni édifiant ni représentatif. Et je ne parle pas de Johnny le belgo-suisse, Sevran effrayé par le sexe des noirs, ...

[7] intervenant sur France-Culture et dont j’ai hélas oublié le nom

[8] souvenons-nous des « 50000 frs de prestations sociales sans naturellement travailler et qui ne paient pas d’impôts puisqu’ils ne sont pas français »...

Messages de forum :
a paraître le 18 octobre à la Découverte
mercredi 10 octobre 2007

Storytelling

Une machine à fabriquer des histoires et a formater les esprits

Christian SALMON

Depuis qu’elle existe, l’humanité a su cultiver l’art de raconter des histoires. Un art au cœur du lien social dans toutes les cultures. Mais qui a été récemment investi, aux États-Unis puis en Europe, par les logiques de la communication et du capitalisme triomphant, sous l’appellation anodine de « storytelling ». Beaucoup l’ignorent : ce qui n’était au départ qu’un simple dispositif de techniques narratives enseignées dans les universités américaines aux apprentis écrivains ou scénaristes a été récupéré, depuis les années 1990, par les « gourous » du marketing, du management et de la communication politique, pour mieux formater les esprits des consommateurs et des citoyens. Derrière les campagnes publicitaires, les séries télévisées et les livres à succès, mais aussi dans l’ombre des campagnes électorales victorieuses, de Bush à Sarkozy, se cachent les techniciens sophistiqués du storytelling management ou du digital storytelling. C’est cet incroyable hold-up sur l’imagination des humains que révèle Christian Salmon dans ce livre, au terme d’une longue enquête. Il explique les applications toujours plus nombreuses du storytelling : le marketing ne s’appuie plus sur l’image des marques mais sur leur histoire, les managers doivent raconter des histoires pour motiver les salariés, les militaires en Irak s’entraînent sur des jeux vidéos conçus à Hollywood et les spins doctor construisent des campagnes électorales comme le déroulement d’un récit.

Les histoires ont un tel pouvoir de séduction qu’elles en viennent à se substituer au raisonnement rationnel, tant leur usage « communicationnel » se systématise. Christian Salmon dévoile ici les rouages d’une « machine à raconter » bien plus efficace que toutes les imageries orwelliennes de la société totalitaire. Il décrit la naissance d’un nouveau pouvoir lié au détournement des techniques de narration qui vont bien au-delà de la création d’une novlangue médiatique engluant la pensée. Le sujet que veut formater cet ordre nouveau du récit est un individu envoûté, immergé dans un univers fictif qui filtre les perceptions, stimule les affects, encadre les comportements et les idées…



    a paraître le 18 octobre à la Découverte
    mardi 11 décembre 2007
    par  Pierre-Jérôme Adjedj
    là je regrette d’avoir laissé passer la validation de ce message : je ne fais pas de pub en principe, mais ça me paraît salutaire dans le cas de cet ouvrage...