La statue bouge encore, on peut même dire qu’elle s’agite ces temps-ci. Lionel Jospin, dont le retrait de la vie politique n’est pas sans rappeler les éternelles tournées d’adieu des frères Jacques, a trouvé une nouvelle formule pour dénigrer les nonistes : il a évoqué ce shaker, au contenu forcément indigeste, qui serait le mix du FN, de De Villiers, de l’extrême-gauche et de tous les autres. C’est cela, disait-il, que l’on va présenter à nos partenaires européens comme base de renégociation en cas de victoire du non. Ce que dit l’ami Lionel, (au moins) un autre l’a dit avant lui, avec d’autres mots : Jacques Chirac, à Nancy, aux côtés de Schröder, désavoué depuis par les urnes.
Mais ce qui est original, c’est cette notion de shaker, qui renvoie au coktail : d’ailleurs, pourquoi ne parle-t-on pas de shaker du oui ? à cause de la grande homogénéité de ses composantes ? Je l’ai déjà dit par ailleurs, si Sarko=Hollande=Veil=..., pourquoi aller voter en 2007 ? Je pense que la raison est simple : le non reste encore et toujours hétéroclite, fragmenté en discours qui vont du plus humaniste au plus dégueulasse, du moderne au rétrograde.
Alors que le oui, lui, est soluble dans la seule valeur rassembleuse des gens raisonnables : l’économie de marché. Ils ont raison, soyons sensés : dans ce monde quiest ce qu’il est, ma bonne dame que voulez-vous, l’argent seul nous permettra de rester libres et heureux. En nous enrichissant, nous resterons des consommateurs comblés, puis frustrés, puis comblés à ouveau, etc. Ca donne envie de reparler de Debord et "La société du spectacle", toujours actuel avec son concept de la frustration permanente et des individus « isolés ensemble ».
N’en déplaise à Lionel, dans le shaker au moins, je me sens encore exister...