on voit mieux la route
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Brèves
Les cloques de la misère
mardi 31 janvier
Depuis quelques temps, La mission SDF Paris de Médecins du monde poursuit son opération « A défaut d’un toit, une toile de tente », qui consiste à distribuer des tentes-igloo au SDF. L’opération tient autant de la sauvegarde des sans-abri que de la provocation vis-à-vis des pouvoirs publics. Et (...)
 
Grève à Lyon Capitale : La presse contre les patrons
mardi 3 janvier
depuis le mois de décembre, le journal Lyon Capitale, hebdo indépendant de la région lyonnaise vit sous la menace de son actionnaire principal, Bruno Rousset, également président du groupe April. Sur demande explicite de Gérard Collomb, maire socialiste de Lyon qu’une enquête de Lyon capitale (...)
 
Fragile / Les têtes raides face aux têtes de con
vendredi 30 décembre
Comme on peut le lire sur Rezo.net, le nouveau clip des têtes raides a été refusé par toutes les télés. Et pourquoi ? Parce qu’il choque... En effe, il montre des femmes en train d’accoucher, prenant soin d’éviter la dimension gynécologique pour s’en tenir à la souffrance de l’épreuve. Le clip (...)
 
Sur le Web : Le clip en Mpeg
Scènes de chasse en Vendée
lundi 12 septembre
On tremble d’effroi, quand on lit ou voit Scènes de chasse en Bavière, pièce et film de Martin Speer : le récit d’un homme pourchassé par la population d’un petit village, au seul motif qu’il est homosexuel. C’est terrible, mais c’est une fiction...
A Maillé village vendéen de 750 âmes (et (...)
 
Sur le Web : Article dans Libé
Papon et Sarkozy
lundi 6 juin
« Je n’ai pas l’intention de tolérer de tels comportements de sauvages. La force doit rester républicaine et la consigne est simple : frapper fort et vite »
« Pour un coup reçu, vous en rendrez dix, dans tous les cas, vous serez couverts. »
« Aucune indulgence, aucune faiblesse ! A la moindre (...)
 
Les Ogres analphabètes
lundi 13 février 2006
par Pierre-Jérôme Adjedj
popularité : 83%
Attention, mon intention n’est pas ici de suggérer que les musulmans sont illettrés. Je préfère le préciser, parce que depuis l’affaire des caricatures, on fait d’autant plus attention à ce qu’on dit. Ma question est beaucoup plus innocente, et ne concerne que les Ogres, c’est-à dire les membres de ce réseau associatif vouant un culte à Dieudonné (Ogres veut dire Ouvertures Géographique Religieuse Ethnique Sociale, mais au vu du centrage ethnique et religieux du mouvement, on peut se demander de quelle « ouverture » ils parlent).

Ma question est donc la suivante : ils attaquent Charlie Hebdo pour leur dernier numéro reprenant les fameuses (et néanmoins mauvaises) caricatures de Mahomet ; la démarche est qualifiée de provocation, dans un contexte où « l’indignation était déjà très vive dans la communauté musulmane et arabe française, comme partout dans le monde ». Or, s’il avaient bien voulu lire le numéro de Charlie dans son intégralité, ils auraient constaté :
- que le propos du journal n’assimile nullement chaque musulman à un terroriste.
- que Charlie renvoie dos à dos tous les intégrismes, séparant les minorités fanatiques des musulmans pacifiques
- que l’ensemble de la rédaction s’est positionnée, alors qu’elle n’est pas, loin s’en faut, alignée systématiquement sur ce faux-cul de Philippe Val ; Val avec qui je suis, et ça me coûte de le dire, d’accord pour la première fois depuis très longtemps.
- que le droit à l’athéisme revendiqué par les journalistes de Charlie ne constitue pas en soi une attaque des croyances de chacun, dans un contexte républicain ou la liberté de croyance et d’expression sont des droits fondamentaux.
- que ces caricatures, enfin, n’insultent absolument pas la foi des musulmans : l’image de Mahomet ne souffrant aucune représentation de référence, on ne sait pas à quoi il ressemble. Par conséquent, comme le dit très bien Val (oh que ça me coûte de le citer !), « le crime est dans l’oeil de celui qui regarde le dessin ».

Voilà, en somme, ce que les Ogres auraient trouvé dans Charlie si leur discours était réellement constructif et si leur démarche s’inscrivait dans la logique de la République. Mais bien sûr, il était plus facile d’exciter les foules en relevant les positions pro-sionistes de Philippe Val pour expliquer la position de Charlie (en effaçant d’un seul trait les plumes de Lançon, Fischetti, Cavanna et consorts).

D’une manière plus générale ce positionnement des Ogres, qui rejoint celui d’autres mouvement en France et à l’étranger, repose sur le principe d’un Islam persécuté partout et tout le temps. C’est ce qu’on appelle la stratégie victimaire, qui a été analysée notamment par Idith Zerthal, dans son ouvrage La nation et la mort, à propos... d’Isräel. Ce qui tendrait à prouver une chose évidente, pour Israël comme pour les frères musulmans, le hamas ou autres : ce genre de revendications mémorielles instrumentalisées, de même que l’indignation devant des soi-disant insultes, n’ont pas d’autres objets que de servir de mythes fondateurs à la légitimation d’un nouvel ordre. Dans le cas d’Israël, la récupération tardive de la Shoah a servi de mythe fondateur renforçant la justification de la création du pays ; et ce n’est pas remettre en question la légitimité de l’existence d’Israël que de dire cela [1]. Dans le cas des caricatures de Mahomet comme dans le cas des revendications mémorielles sur l’histoire de l’esclavage, la volonté est plus floue, parce que les bornes de l’affrontement sont extrêmement floues [2].

En effet, l’instrumentalisation de l’histoire des caricatures montre à l’évidence qu’on créée depuis l’étranger des soulèvements relayés localement, en créant des amalgames douteux. Et on aboutit à des paradoxes, qui font nécessairement contresens et sèment la confusion : par exemple, comme l’a relevé Olivier Duhamel sur France-Culture, on traite en France Charlie Hebdo de journal fasciste alors que le journal remet à égalité tous les fanatismes et prêche la liberté d’expression ; Jean-Marie Le Pen lui, condamne les caricatures. Ce qui est très grave et marque le sommet de la confusion, c’est ce principe idiot qui voudrait qu’on s’abstient de publier tel ou tel article ou dessin quand l’ambiance est déjà explosive, afin de ne pas choquer plus une communauté traumatisée. C’est ce principe absurde du traumatisme, tenu en dépit d’une réalité sociologique pourtant facilement observable, qui conduit certains Etats à s’excuser, ou à se désolidariser : c’est ainsi qu’on a vu Jacques Chirac se désolidariser de Charlie Hebdo, en regrettant la publication des dessins au nom de ce principe. De la même manière que je me déclare solidaire de Philippe Val quelle que puissent être ses arrières-pensées éventuelles dans cette affaires, Chirac aurait pu avoir l’intelligence (ou la force politique ?) de serrer les rangs avec un journal qui ne faisait que défendre des principes fondamentaux de cette République qu’il est censé diriger.

Bref, tel que c’est parti, on se prépare peut-être à un débat sur une éventuelle loi anti-blasphème. Il faudra alors se rappeler que la liberté d’expression et d’opinion ne souffre aucune exception. On peut comparer avec la peine de mort : ceux qui se déclarent contre la peine de mort « sauf pour... » sont dans une erreur qui les rangent du côté des partisans de la peine capitale, ni plus ni moins ; on ne peut pas non plus être presque incorruptible, on l’est ou on ne l’est pas. Pour le blasphème ou supposé tel, un seul recours pour ceux qui se sentent offensés : la justice, qui punit l’insulte, la diffamation, ... C’est comme ça que se défendent (ou attaquent) les autres religions représentées en France ; comment et pourquoi pourrait-on recourir à une loi d’exception ?

La question à laquelle doit répondre un mouvement comme les Ogres, même s’ils ne sont qu’une goutte dans l’océan de la connerie intégriste oeucuménique, c’est : est-ce qu’il veulent bien lire les papiers des gens qu’ils attaquent, en citant leurs sources et en argumentant ? Ou bien vont-ils continuer à ne pratiquer que l’invective violente ? J’ai peur de connaître d’avance la réponse.

 

[1] Ces affirmations s’appuient sur l’excellent travail d’I.Z, qui relève les faits et déclarations des sionistes de Yeretz Israël, parmi lesquels Ben Gourion, dans la période de l’Allemagne nazie, et notamment l’insurrection du ghetto de Varsovie. L’auteur relève la duplicité de l’attitude des dirigeants politiques de l’époque, vis-à-vis des juifs de la Diaspora.

[2] J’aurais pu parler également de la stratégie victimaire de Sarkozy, où les victimes sont cette fois les bons français qui se lèvent tôt, qui subissent les « racailles ». Quel nouvel ordre veut-il nous suggérer par là ?