Examinons tout cela de plus près : qui sont les coupables de ce racisme anti-blanc ? les noirs, manifestement. Et les musulmans, incidemment. Qui est à l’origine de cet appel, signé par des personnalités de (presque) toutes les origines ? Le mouvement de jeunesse sioniste progressiste Hachomer Hatzaïr et Radio Shalom. Et c’est là que le bât blesse. En effet, on aurait pu interpréter un peu hâtivement cet appel comme une bonne nouvelle, une rupture de la focalisation politico-médiatique sur l’antisémitisme en France. Cette obnubilation entretenue à propos de cette « nouvelle judéophobie » a alimenté bien des contre-feux nuisibles comme la triste épopée de Dieudonné ou, plus grave, la montée en puissance du fanatique Tariq Ramadan. On aurait pu se dire qu’on allait enfin pouvoir considérer le racisme dans une approche globale et non-communautaire, puisque, selon les propres mots des signataires : "Ceci est un nouvel appel parce que nous ne voulons pas l’accepter et parce que pour nous, David, Kader et Sébastien ont le même droit à la dignité". Ca va dans le bon sens, apparemment. Mais les mêmes disent ensuite : " On a parlé de David, on a parlé de Kader, mais qui parle de Sébastien ?". Et voilà, on y revient : on ne fait finalement que créer une nouvelle catégorie de victimes. Certes, cette l’appel à défendre « Sébastien » pose un problème d’interprétation : pourquoi qualifier de réflexe communautaire l’appel d’un mouvement sioniste pour défendre les "blancs" (non-juifs compris ?) ? En réalité, c’est simple : peuvent se sentir blancs toute une population, du catholique au juif en passant par le protestant ou l’athée. Ca en fait du monde, c’est une majorité absolue. Et cette alliance non-dite se fait contre tous les individus qui ne peuvent pas y prétendre, quel que soit leur sentiment vis-à-vis de la République, leur façon de s’y inscrire. C’est finalement très bien joué de la part de ceux qui défendent ce concept de nouvelle judéophobie. Ils trouvent là une nouvelle manière plus discrète et potentiellement plus efficace de lutter contre leurs véritables ennemis : en entraînant les bons français dans le champ de leur discours radical, ils excluent un peu plus ceux qui tentent de rester dans une parole raisonnée et néanmoins critique, sur des sujets aussi sensibles que la montée de l’islamisme, la critique de la politique israélienne, ou encore la dénonciation des communautarismes de tout poil. Ceux-là paraissent pour le coup irresponsables et inconscients au plus grand nombre. Donc, ce qui passait à première vue pour une ouverture apparente du discours n’est en fait qu’une nouvelle étape de la radicalisation du discours ; c’est un appel anti-raciste qui dissimule un appel latent au racisme anti-noir et anti-arabe. Intelligente tentative pour réveiller la bête immonde qui sommeille plus ou moins en chacun de nous ; une bête de plus en plus facile à réveiller dans cette société qui génère de l’exclusion et de la misère sociale à flots continus.
Personnellement, en tant que "juif ayant la haine de soi" (appellation des Adler et autres Cuckiermann à l’égard de ceux qui refusent de marcher dans le lien forcé entre judéité, judaïsme et sionisme), je refuse cette vision des choses et me joint à tous ceux qui préfèrent rester dans le champ de la raison, le champ de l’analyse du malaise social engendré par cette société du profit absolu. Nous sommes à la croisée des chemins, cette triste initiative le prouve une nouvelle fois, et repose une question : la survie passera-t-elle par une remise à plat du fonctionnement des sociétés occidentales, ou continuera-t-on ce mouvement suicidaire qui consiste à jeter les populations les unes contre les autres pour le profit de quelques uns ?