[Blog de la responsabilité individuelle] Non à l'amalgame ! (La double mort d'Ilan Halimi)

Non à l’amalgame ! (La double mort d’Ilan Halimi)

mercredi 22 février 2006
par Pierre-Jérôme Adjedj
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Non à l’amalgame : tel semble être le nouveau cri de guerre des pompiers pyromanes de l’antisémitisme. Qui en dehors de tout amalgame, appellent à manifester.

Mais si le CRIF, rejoint très vite par la Licra (que fait le MRAP ?) ont appelé à manifester, ce n’est pas pour une marche silencieuse, comme on peut les connaître chaque fois qu’un crime affreux nous rappelle que nos sociétés sont faillibles. Ce n’est donc pas une marche de recueillement qui nous permettrait de nous interroger un moment sur les circonstances qui, dans notre monde libéral et consumériste, rendent possible de telles atrocités. Non, si le CRIF s’approprie le devant de la scène, c’est moins pour dénoncer un crime crapuleux et idiot que pour appeler à lutter contre l’antisémitisme. On notera d’ailleurs que la chance est à nouveau avec le CRIF en ce début d’année : la découverte du corps d’Ilan est survenue juste avant le dîner annuel du CRIF, ce grand bal des faux-cul où Cukierman allait être obligé, à regret, de décerner un satisfecit au gouvernement concernant la baisse du nombre d’actes antisémites sur le territoire français. Entendez par là que l’instrumentalisation de cette soi-disant « nouvelle judéophobie » commençait à devenir difficile à soutenir. Par ailleurs, le coma prolongé de Sharon a marqué un coup d’arrêt à l’arrogance du même Cukierman à propos d’Israël. Heureusement pour eux donc, cette odieuse affaire a permis de bouleverser l’ordre du jour et de repartir en guerre contre l’antisémitisme, fléau qu’on dit rampant et qui gangrènerait la société française. Et ça tombait d’autant mieux au moment où Israël s’apprête à durcir à nouveau le ton. Et puis il faut bien faire contrepoids avec l’audience grandissante du livre, apparemment très bien documenté, de Guillaume Weill-Raynal [1], qui pulvérise la thèse de la nouvelle judéophobie. Ce livre est sorti en mai dernier, mais son auteur, juif, n’a curieusement pas eu les faveurs de médias. Cet ostracisme est finalement en soi une marque du jeu dangereux joué parle CRIF et ses comparses, puisqu’ils seraient les premiers responsables d’une véritable flambée d’antisémitisme. En effet, regardons un peu qui parle du livre de Weill-Raynal : les Ogres, Oumma.com et autres médias communautaires. Même si l’on sait ce que je peux penser des Ogres, il n’y a pas de mal en soi à relayer une information intelligente. Mais que ce soit le fait exclusif de ces médias crée une instrumentalisation de la parole de Weill-Raynal et renforce la thèse, pour ceux qui la soutiennent, de ce complot juif qui tient le monde des médias dans sa main. Cette thèse prend corps également vis-à-vis du milieu politque, puisqu’on voit tout ces responsables nationaux qui accourent au dîner du CRIF pour se faire taper sur les doigts ou passer la pommade, selon qu’ils ont « bien » ou « mal » agi (envers les juifs de France, mais aussi envers Israël, ce qui est plus surprenant voire discutable) Pour constater les résultats de cette censure, on se reportera à cet article de ces cons d’Ogres..

Bref, avec la mort d’Ilan, la dénonciation de la nouvelle judéophobie est repartie : Taguieff [2], Finkielkraut et consorts, largement discrédités ces temps-ci, vont pouvoir reprendre du service. Mais d’ailleurs, quels éléments de l’instruction en cours permet d’ores et déjà de conclure au crime antisémite ? Peu de choses finalement : un tract d’une organisation caritative palestinienne [3], ainsi que des tracts salafistes [4]. Ces documents, téléchargés par Internet, n’attestent en rien d’un quelconque antisémitisme, et leur utilisation n’a pu pour l’instant être attribuée aux suspects. Reste cette affirmation des ravisseurs selon lequel le choix s’est porté sur Ilan « parce que les juifs ont de l’argent ». Outre le fait que ces affirmations renforcent en premier lieu la thèse crapuleuse, le seul fait de succomber aussi facilement à ce genre de cliché éculé traduit surtout une grande pauvreté intellectuelle, où le préjugé tient lieu de pensée. Pas de quoi déclencher un vent de panique dans la communauté juive a priori. Mais c’était compter sans le déchaînement prévisibles des instances juives et antiracistes. Petit florilège.

« Les gens sont très inquiets et très choqués. » (Patrick Klugman, vice-président de SOS Racisme)

Jean Kahn, président du Consistoire central, a quant à lui mis en cause « la police et certaines sources autorisées », affirmant que « le refus d’appeler les choses par leur nom [sic] a entraîné une banalisation de la violence contre la population juive, les auteurs bénéficiant de la volonté d’apaisement manifestée à tous les échelons de la hiérarchie »

J’ai gardé le meilleur pour la fin : « Cette affaire est bien plus grave que Carpentras ». Cette déclaration de Henri Hajdenberg, ancien président du CRIF, traduit à quel point certains avaient besoin d’un nouvel os à ronger pour nourrir leurs obsessions intéressées. Il a d’ailleurs rajouté une couche qui permet de renvoyer les français à leur passé détestable, à leur culpabilité éternelle et à leurs devoirs imprescriptibles : il a rajouté en substance qu’un maximum de français non-juifs devaient être présents à cette manifestation, « parce que les juifs ont souvent été seuls en France ». Lamentable.

Ilan a probablement été victime de la pauvreté intellectuelle de ses ravisseurs ; il risque bien de mourir une seconde fois, victime cette fois du machiavélisme de tous ceux qui instrumentalisent son calvaire au nom d’idéaux ou de calculs politiciens douteux. La pauvreté intellectuelle est navrante, le calcul sur le dos des morts est sans excuse. C’est pourquoi ma conclusion est sans appel : paix à Ilan, et merde aux manifestants !

[1] « Une haine imaginaire ? Contre-enquête sur le « nouvel antisémitisme » aux éditions Armand Collin

[2] Les juifs comme Weill-Raynal sont appelés par Taguieff des juifs ayant la haine de soi (le terme américain est self-hating jew). Comme Taguieff n’est pas juif, comment peut-on l’appeler au vu de ses thèses : self-loving goy ? Vraiment je me demande...

[3] que les Etats-Unis et Israël ont échoué à faire classer sur la liste des organisations soutenant le terrorisme

[4] On a appris depuis que ces tracts ne présentaient aucune dimension militante, et que Fofana n’est pas un musulman pratiquant