« Il ne faut pas souhaiter la mort des gens, ça les fait vivre plus longtemps. Celui que l’on hait bien, il s’accroche, il s’accroche... ». Dominique A. a bien raison. Cependant, une fois que c’est fait, on n’est pas obligé de se forcer à trouver des qualités au disparu.
Papon est mort, à 96 ans : ça c’est fait, on n’en parle plus. En revanche ce qui reste bien vivant, c’est la complicité des gouvernements successifs qui ont permis à ce « fonctionnaire exemplaire » de prospérer en montrant l’étendue de ses talents. Ce Eichmann à la française a ainsi pu, dans le prolongement de l’aide apportée à la déportation des juifs, donner des solutions à l’état gaulliste empêtré dans la guerre d’Algérie. « Ils sont pas lourds au mois de mai, à se souvenir de Charonne » disait Renaud dans Hexagone... Papon, en somme, a démontré de façon exemplaire que la France, est plus prompte à l’oubli qu’à l’analyse critique de son histoire. C’est ce qui a permis à des Papon et autres Bousquet, au nom de la réconciliation nationale voulue par De Gaulle, de réintégrer le giron de l’Etat français.
J’ai entendu sur I-Télé Papon présenté comme celui qui aura traversé l’histoire de la France de la collaboration : c’est vrai, mais c’est sans doute trop peu dire. Sa traversée aura été bien plus longue : ce sinistre pantin a été , n’ayons pas peur des mots, le porte-étendard de plusieurs injustices successives. La dernière en date : sa libération pour raisons médicales, où Maurice est sorti debout de sa prison, comme jadis Pinochet de son avion. Ceci alors que des détenus réellement malades crèvent par centaines dans les prisons françaises sans pouvoir prétendre au même traitement (on a beaucoup parlé de l’acharnement sur les militants d’Action Directe, mais il y en a tant d’autres dont la tare principale est l’anonymat...).
Alors oui, on peut le dire : c’est aujourd’hui un vrai représentant de l’Etat qui s’en va. Tu peux mourir tranquille, mon Maurice : question salauds, la relève est assurée jusqu’au sommet de l’Etat.