Par l’appel unanime et immédiat à voter Jacques Chirac, Le 21 avril allait rejoindre la longue liste des événements dont on ne tire aucune leçon et qu’on ressort au moment opportun pour effrayer le bon peuple. Les plus prompts à lancer l’appel furent, si mes souvenirs sont bons, Malek Boutih et Guy Bedos. C’est cocasse si l’on songe à l’esprit combatif que sont censés incarner les deux hommes chacun dans leur domaine. 20h02, sur le plateau de Karl Zéro, je m’en souviens très bien.
Or, il aurait peut-être été bon de débattre dans l’entre-deux tours, de faire le point sur cette faillite globale du politique. Il était temps pour le parti socialiste de se remettre en question sur sa méthode de gouvernement ; temps aussi pour la droite de se poser des questions sur les conséquences de son discours sécuritaire, véritable appel du pieds aux électeurs frontistes. La gauche aurait pu monnayer son soutien à Chirac, exiger par exemple un gouvernement d’union nationale comme cela se fait ailleurs ; et à défaut, elle aurait pu appeler à l’abstention, dans la mesure où la constitution empêcherait clairement un Le Pen élu de gouverner. On aurait vu alors le vrai score de Jacques Chirac (du genre 52% avec 50% d’abstention). Et gauche et droite auraient été mis en demeure de se remettre au travail pour proposer un vrai programme aux législatives qui ont suivi.
Mais non, espérer cela, c’était sans doute céder à cette utopie que conteste le nouveau Philippe Val, pas le contestataire, non l’autre, le pragmatique... Et on a vu le résultat de ce que la raison commandait, parait-il : malgré mon abstention et celle de quelques autres (on est peu de chose), on a eu droit à un 82% de République bananière. Cela a permis à la droite de se sentir toute puissante, et à la gauche de ne pas se remettre en question. Et Lionel Jospin a pu à loisir maudire les électeurs irresponsables qui se sont émiettés dans les petites listes ; ces petites listes qui ne sont jamais que celles qui, issues de la majorité plurielle qui l’a porté au pouvoir, ont été méprisées par le candidat Jospin.
Pourquoi ce rappel douloureux aujourd’hui ? N’y aurait-il pas prescription ? Non, justement. Parce que nous nous trouvons à nouveau, en ces heures référendaires, face à une stigmatisation des irresponsables, ceux qui mettent l’Europe en péril par le simple questionnement d’un texte qu’on refuse de nous expliquer. Forcément, cela éveille la méfiance lorsqu’on nous dit que c’est le oui ou le chaos : cela rappelle précisément le 21 avril. Chirac ou le chaos ; aujourd’hui, on a Chirac ET le chaos, et ça va durer encore un petit moment. Sans autre alternative qu’un PS qui fait peur (ou peine) à voir, notamment à travers les yeux de Lionel Jospin
Il est finalement assez logique qu’aujourd’hui, une majorité de français soient réticents à signer un chèque en blanc à une Europe défendue par ces gens-là. Non, le « non » n’est pas « mode » comme l’a dit un homme politique (de gauche il me semble). Ou alors la mode serait à la révolte et à la prise de conscience citoyenne, et ça serait une sacrée bonne nouvelle ! Mais j’exagère : toujours cette fichue utopie qui ressort... Je vais retourner lire Philippe Val.