on voit mieux la route
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Brèves
La nouvelle Star
jeudi 1er mars
Vu sur un panneau publicitaire, ce slogan : « Pourquoi faire une mauvaise émission avec des chanteurs connus, alors qu’on peut faire le contraire ? ».
Dois-je comprendre que M6 se vante de faire « une émission connue avec des mauvais chanteurs ? ». Ca serait logique : en effet, ce n’est pas la (...)
 
Doc Gyneco, tête de gondole !
vendredi 4 novembre
Dans les rues s’affiche une publicité sauvage de Doc Gyneco pour son prochain album. Il le fait façon rappeur hors-système, histoire de se rapprocher d’un public qui l’a fui depuis longtemps. Lisons un peu ce qu’il y a sur l’affiche : « Nouvel album Pour les prolos, deux pour le prix d’un » (...)
 
La Pitié Dangereuse de Zweig : Création et responsabilité
vendredi 2 septembre
Une fois n’est vraiment pas coutume, je fais passer un message perso : en 2001, j’ai adapté et mis en scène (une première au théâtre en Europe) La Pitié Dangereuse de Stefan Zweig. Ce roman magnifique traite très fortement (évidemment !) de la notion de responsabilité individuelle.
Or, j’ai (...)
 
Qui a dit ?
jeudi 28 juillet
« La longueur est nécessaire au théâtre populaire, comme le Kathakali en Inde ».
Réponse : Olivier Py, qui répondait à un journaliste d’Avignon à propos de la longueur impressionnante de son dernier spectacle (10h). Relevons d’abord la simple absurdité de la comparaison : le Kathakali est (...)
 
Tournée des enfoirés
Charité trop bien ordonnée...
jeudi 15 décembre 2005
par Pierre-Jérôme Adjedj
popularité : 95%
Revoilà l’hiver, et avec l’hiver le problème du froid. On se souvient alors qu’il y a des gens dans la rue. On apprend même que cela concerne à présent des personnes qui ont un travail et font donc partie du système [1]. Avec le froid reviennent les enfoirés.

Les enfoirées et leur tournée. Je parle là des artistes charitables qui chaque année viennent démontrer à quel point ils ont un grand coeur (les enfoirés du milieu politique qui ont fait la tournée des banlieues avant, pendant et après les émeutes mériteraient un article à eux tout seul).

Alors voilà. Comment dire ça ? j’aimerais dire : « Heureusement que les restos du coeur existent », et c’est vrai dans un sens. Mais je ne peux pas oublier que les restos n’existent que du fait de la démission ou de l’incapacité de l’Etat. On pourrait même aller jusqu’à dire sans être taxé de trotskyste fanatique que l’existence des restos est rendue nécessaire par la machine à broyer de l’ultra-libéralisme. Difficile dès lors, de s’extasier sur la grande générosité des grandes surfaces qui, grands princes, donnent une partie de leurs excédents aux restos. Si l’on songe que le retour d’image qui en résulte pour Carrefour, Auchan et consorts est une forme de publicité qui est pour le coup absolument gratuite, ça devient carrément obscène. L’affameur philantrope à qui l’on dit merci, ça c’est du concept ! Et d’ailleurs, il est hors de question que les grandes surfaces donnent quoi que ce soit sans qu’on les remercie. La preuve, pour la taxe Emmaüs sur les vêtements vendus par la grande distribution, Jérôme Bédier, patron de la fdération du commerce et de la distribution, le dit sans honte : « Pourquoi ne pas plutôt favoriser le mécénat qui donne d’excellents résultats ? De surcroît, ce projet de taxe va fonctionnariser la réinsertion ». Peut-être tout simplement parce que les travailleurs sociaux et les pauvres n’ont plus envie de dire merci aux affameurs. Et à tout prendre, s’il faut choisir entre fonsctionnariser la réinsertion par cette taxe et proroger la pauvreté par un mécénat qui n’est qu’un pis aller, le choix est vite fait. Comme dit le proverbe, « Donne un poisson à un homme, il aura à manger pour un jour. Apprends-lui à pêcher, il aura à manger pour tous les jours de sa vie ». Et il ne se sentira plus redevable de l’aumône médiatisée, ce qui est le début de la liberté, serais-je tenter d’ajouter. Mais bon, en attendant, la misère est là ici et maintenant, le froid aussi. En passant, notons qu’une étude réalisée par un collectif d’associations montre que toutes les saisons sont mortelles. Pourquoi donc alors se focaliser sur l’hiver ? La proximité de Noël, avec son obscénité commerciale à flot continu créerat-elle des relents de mauvaise conscience dont il faudrait urgemment se débarrasser ?

Enfin ne boudons pas notre plaisir, nos artistes enfoirés sont là heureusement pour pallier à tout ça et proposer une alternative généreuse. Mais quelle alternative nous proposent-ils, d’ailleurs ? Ils enregistrent un disque live, issu d’un spectacle conçu avec de gros moyens, ce qui a au moins l’avantage de faire bosser les intermittents du spectacle, charité bien ordonnée commençant par soi-même. Oui, je sais vous allez me dire que les artistes ne sont pas payés. Eux non, mais les techniciens oui, et c’est parfaitement normal. Mais pour les Zazie, Cabrel, Corneille, Robin et consorts, encore heureux qu’ils ne touchent pas un rond, parce que l’entreprise, si l’on y regarde bien, a quelque chose d’ignoble qu’une rémunération rendrait carrément insupportable.

Nos chers artistes, que donnent-il ? Un peu de leur temps à exercer leur métier gratuitement. Pas mal, il ne sont effectivement pas obligés. Et après tout, ce qu’un artiste peut faire de mieux, c’est s’engager à travers son art. D’accord pour tout ça, mais à une seule condition : qu’ils se servent de cette tribune pour faire entendre au pouvoir politique les exigences des associations, les restos et les autres. Il pourraient, cela ne coûterait pas plus cher, exiger des actes de nos politiques, comme l’a fait Coluche au moment de monter les restos : on se souvient que c’est en prenant les politiques en défaut qu’il a pu obtenir les exonérations fiscales, à travers l’amendement Coluche. Autres temps, autres moeurs : les enfoirés d’aujourd’hui ne font pas de politique, il font la charité. Mais comme le dit Alain (le philosophe, pas le vrai-faux trappeur canadien Juppé) : « Lorsqu’on me demande si la coupure entre partis de droite et de gauche, hommes de droite et de gauche, a encore un sens, la première idée qui me vient est que l’homme qui pose cette question n’est certainement pas un homme de gauche » [2]. Ce qui revient à dire qu’être apolitique, c’est assez souvent être de droite. Il n’y a qu’à compter après tout combien d’enfoirés tapent la causette et plus si affinités avec le petit nerveux de Neuilly, ça laisse rêveur [3]. Dans ce cas précis, le discours qui consiste à dire que la solution face à la pauvreté n’est pas politique, ou du moins qu’on ne peut pas mélanger le fait d’aider son prochain avec l’action politique, est réellement un discours qui sert la droite et le marché, avec à la clé le même petit retour d’image que pour les chaînes de supermarché. En tous cas, ça interroge sévèrement le rôle de l’art et la place de l’artiste dans la société : si l’art se limite au divertissement et à la charité, alors on peut être artiste ET de droite, aussi longtemps qu’on reconnaît l’existence d’un art bourgeois. Mais si l’on pense que l’art a un rôle de transformation radicale, alors... Mais tel n’est pas le propos de nos enfoirés de choc. Il n’est qu’à écouter Michèle Laroque, sarkoziste chic et choc : « C’est magnifique de voir ce déploiement de solidarité, de constater aujourd’hui comment l’idée de Coluche s’est développée et pérennisée ». C’est juste le contraire de ce que voulait Coluche, qui ne souhaitait absolument aucune pérennisation. Il voulait vaincre la pauvreté, pas pérenniser la charité ! Et cette pérennisation louée par l’actrice du XVIème marque précisément la défaite de tous les gouvernements successifs, de droite comme de gauche. Et il y aurait donc plutôt lieu de s’en indigner.

C’est là toute la différence entre les mondains charitables et quelqu’un comme Bob Geldof, qui pense exactement le contraire : avec son live eight (hate ?), au lieu de se contenter de rançonner le bon peuple consentant avec un disque, il a simplement prétendu faire suffisamment de bruit pour faire entendre au G8 que l’annulation de la dette était tout à la fois un souhait massif des populations et un devoir de la part des pays industrialisés. Pays dont il faut rappeler à quel point leur richesse s’est faite (et se fait encore) sur le pillage des ressources des pays (soi-disant) en voie de développement. Sûrement un point à mettre au crédit du rôle positif de la colonisation. Finalement, Geldof crie tellement fort depuis des années que sa propre carrière a été mise en sourdine. Lequel de nos enfoirés serait prêt à cela ?

Pour en finir avec nos enfoirés (sinon je vais vomir), je n’achèterai jamais leur disque parce que ça valorise la malhonnêteté partagée des nantis du marché, des nantis du show biz et des hommes politiques (qui font maintenant partie du show-biz) : à tout prendre, je préfère amplement faire du bénévolat pour les restos, un vrai bénévolat qui ne rapporte rien.

Je finirai en citant Desproges, qui se moquait, il y a déjà longtemps, de ces élans humanitaires narcissiques dans ses chroniques de la haine ordinaire [4] : « Le jour où on lèvera des impôts pour les mourants du monde, et qu’on fera la quête pour préparer les guerres, j’irai chanter avec Renaud [5]. En attendant, oui mon pote j’ai cent balles, et je les garde »

 

[1] comment l’Etat peut-il laisser ces français qui se lèvent très tôt de leurs cartons pour aller bosser dans une situation pareille ? On pensait pourtant que la rue était réservée aux improductifs... Demandez à Nicolas Sarkozy, grand stigmatiseur de feignants, il a sûrement une réponse

[2] Cette citation m’a été soufflée par mon ami Nicolas, pas Sarkozy qui n’est pas mon ami, un autre.

[3] Le Figaro a cru bon de stigmatiser ces artistes d’un milieu parisien déconnectés de la réalité qui se permettent de donner des leçons de démocratie au ministre de l’Intérieur. Et comme ils comptent publier une liste des artistes qui, eux, soutiennent le grand-petit homme, je me permets de les aider un peu en mentionnant ceux qui sont à la fois enfoirés et sarkozistes, du moins ceux qui ont fait leur coming out : Bigard, Zazie, Mimie Mathy, Corneille, Laroque, Palmade, Robin, ... La liste n’est pas complète, et j’ai omis les chiraquiens.

[4] « Les restaurants du foie »

[5] la réplique date du disque pour l’ethiopie

Messages de forum :
Tournée des enfoirés
dimanche 16 septembre 2007
par  gee

je pensais que ce site roulais à contre-sens, cet article est bien encore une fois la preuve que les pseudo-intellectuels ne savent qu’une chose : pour être lu, le denigrement systematique et la croyance populaire en vérité unique sont les meilleurs armes du "journaliste citoyen"

merci pour les informations biens "juteuses et bien sales" on en redemande, car bien entendu, je hais les gens célèbres et riches (surtout quand ils sont en bonne santé)

de plus je libère tout mon fiel uniquement car j’ais contracté la pire des maladies du moment : je suis sarkoziste, les gens biens me rejettent, je n’ais plus d’amis et même mon chien m’a mordu hier....

vive le journalisme citoyen, vive l’info vraie.......de toute façon ça peut pas être pire.

signé : un mauvais citoyens sarkoziste



    Tournée des enfoirés
    mardi 11 décembre 2007
    par  Pierre-Jérôme Adjedj

    Ouh là !

    Je réponds très en retard, et pour cause : l’hibernation dans laquelle je maintiens ce blog depuis l’avènement de Sarkozy (et aussi parce que j’ai trop à faire par ailleurs) m’a écarté de vos brillantes lumières... J’aimerais juste savoir une chose, cher citoyen décomplexé : sur quel point trouvez-vous mon analyse déplacée quant à cette puante opération de charité ? Donnez-moi plus de détails et d’arguments, c’est le minimum pour débattre.

    A vous lire, et mes amitiés à votre chien (qui est vacciné contre le tétanos, ej présume ? Je plaisante !)

> Tournée des enfoirés
mercredi 16 mai 2007
par  Amelie
... Je n’aime pas trop les enfoirés.

> Tournée des enfoirés
lundi 26 février 2007
Pas payées les vedettes, peut-être, mais quand même logées et nourries dans des hôtels de luxe. La pub le précise d’ ailleurs, ce sont les bénéfices qui sont versées aux restos du coeur. Ca représente quel pourcentage de l’ argent versé par les spectateurs ???...

    > Tournée des enfoirés
    lundi 26 février 2007
    par  Pierre-Jérôme Adjedj
    Ben oui, c’est bien ça le problème ! Noah a refusé de loger dans le palace, mais le mieux arait été de boycotter complètement ce piège à cons...
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