Mais la colère est mauvaise conseillère. Les mauvais sentiments entrainent des pensées non seulement mauvaises, mais également erronées. Exemple : le Colissimo. Habitant comme beaucoup de gens dans un immeuble ne disposant pas de boîtes normalisées qui permettent le dépôt de colis, je suis depuis un an en butte à un problème insolvable : tous mes livres commandés en ligne et expédiés en colissimo font systématiquement l’objet d’un retour à la Poste la plus proche ; je retrouve par conséquent tout aussi systématiquement un papier m’informant que pour cause d’absence (ce qui est faux dans 90% des cas) + autre motif (la dite boîte aux lettres), je suis invité à retirer mon colis à la Poste, mais deux jours plus tard ! Ce qui rend intéressant un envoi en 48h, n’est-ce pas ?
Au bout du deuxième paquet, lassé des queues interminables à la Poste de mon quartier, j’ai entrepris de faire valoir mes droits auprès de la fonctionnaire du guichet : je voulais bien défendre le service public, mais j’entendais que celui-ci fasse un petit effort à mon encontre. A savoir que le facteur pouvait bien faire le même effort que pour les recommandés, en montant sonner à ma porte (6è avec ascenseur). Et là, qu’apprends-je ? La distribution des colissimo n’est plus assurée depuis longtemps par mon facteur, mais par une société privée mandatée par la Poste : en même temps que je tombais des nues, j’ai senti monter en moi un très mauvais sentiment. Distribution privée ? OK, donc obligation de résultat, donc plainte. J’ai donc pris les coordonnées du service réclamation, et suis reparti ragaillardi de la Poste. Le coup de fil, ferme mais courtois, m’a permis d’obtenir que le message passe : on m’a même attribué un numéro correspondant à ma réclamation, c’est vous dire si c’est sérieux !
Mais bien évidemment, j’ai déchanté dès le colissimo suivant. Retombant sur la même fonctionnaire, je lui ai confié mon agacement : en retour, elle m’a exposé sa grande lassitude de travailler dans un bureau sous-dimensionné pour recevoir autant de monde (le Poste refuse d’en ouvrir un deuxième, qui ne serait pas assez rentable !). elle m’a parlé aussi de sa solitude de fonctionnaire ; parce qu’effectivement, elle fait partie des dernières dans son bureau, entourée par des contractuels en CDD qui eux, sont soumis au rendement.
Que conclure de cette histoire ? Que le rapport d’efficacité entre service public et privé n’est souvent qu’un trompe l’oeil, destiné à masquer la vraie raison qui pousse à supprimer le service public : la rentabilité, devenue la seule valeur viable. Parce que pour ce qui est de l’efficacité, la marche en avant de l’« économie sociale de marché » nous condamne, si on ne la stoppe pas, à payer de plus en plus cher un service toujours plus indigent.