Il a coulé de l’eau sous les ponts depuis ce jour où nous nous croisâmes, dans ce collège défavorisé d’Antony, ville phare du département des Haut-de-Seine qui était encore Pasqualand et pas encore Sarkoland. Antony, dont le maire est un autre cocu de Fillon I, j’ai nommé Patrick Devedjian, ex-ratonneur et ex_révisionniste (cf. note sur Occident dans l’article sur la loi sur la négation du génocide arménien). Antony donc, ou tu vins en émissaire de Pasqua présider une réunion pédagogique portant sur un dispositif de réinsertion des cas difficiles par le théâtre, la musique, ... J’étais à l’époque un objecteur de conscience aux cheveux longs, envoyé animer un atelier depuis le théâtre où je travaillais dans une ville voisine et que la droite a détruit depuis. Etait-ce mes cheveux longs qui t’ont poussé à éviter ouvertement de me serrer la main ? C’est le problème des gens qui tournent leur veste : en tant qu’ancien communiste, peut-être te sentais-tu obligé de repousser d’autant plus tout ce qui aurait pu te rappeler tes anciens camarades, dont je n’étais pourtant pas. Je garde un bon souvenir de notre accrochage au cours de cette réunion, où ma liberté de ton a dû te déplaire...
Pour être franc, en quittant les hauts-de-Seine, je t’ai un peu perdu de vue. Après tout, s’il fallait suivre la carrière de tous les seconds couteaux, on n’en finirait pas. Quelle ne fût pas ma surprise de te voir ressurgir avec une nouvelle étiquette, aux côtés de François Bayrou. Je t’avais quitté défenseur des valeurs de droite les plus viriles, et voilà que je te retrouvais porte-parole du renouveau « ni gauche ni droite ». Pour être honnête, je n’ai jamais vraiment cru au Leroy nouveau : ta façon de te débattre dans l’intenable position dite du « Béarnais incorruptible » faisait trop ressurgir cette ignoble langue de bois qui est finalement ta plus belle constante. De Marchais à Bayrou en passant par Pasqua, l’outil a servi sans relâche.
Mais là où tu m’as eu, c’est entre les deux tours. Je pensais tout de même que tu manquerais un peu de ressort pour retourner une nouvelle fois ta veste, en tout cas aussi vite : tu étais trop proche de Bayrou pour pouvoir assûmer un reniement instantané. Mais j’avais négligé un paramètre important : la fortune individuelle dépend souvent d’une conjoncture globale. Et pour une fois, tu as eu de la chance, mon Maurice : la traîtrise est subitement devenue plus qu’une mode, un manière de faire, assûmée au grand jour. Cela dit, rien que de très logique pour accompagner l’avénement de Sarko 1er, Raël de la traîtrise. Avec le flair surentraîné qui caractérise les girouettes professionnelles, tu as senti le moment de te ranger sous l’aile de ton modèle, ton dieu en félonies tout terrain. Et tu as cru avoir raison, toi à qui on a promis le ministère de l’Agriculture en échange de ton reniement actif (tu t’es engagé à ramener avec toi un maximum de brebis égarées dans la bergerie béarnaise).
Mais à traître, traître et demi : là où Morin, ton jumeau en conversion, a décroché le pompon de la Défense, faute de ministère de l’Agriculture tu t’es retrouvé le cul dans la fange. Grosjean comme devant. Mais pourquoi bon dieu ? Tu as dû te la poser cent fois, cette foutue question : toi qui t’aime tant, qui es tellement persuadé de ton grand destin pourquoi tu passes toujours à côté ? Qu’est-ce que les autres girouettes ont que tu n’as pas ?
Je sais Maurice, j’ai l’air de me réjouir de tes malheurs. Mais que veux-tu ? Pour un Besson, un Morin, un Kouchner ou un Jouyet qui sont récompensés, ça fait du bien d’avoir sous la main un loser, un vrai, un symbole de la France qui perd. Tiens, ça me donne une idée : avec une telle capacité à louper le coche et à faire les mauvais choix, tu devrais, dans un ultime retournement de veste, adhérer au PS. Il paraît qu’ils cherchent quelqu’un pour remplacer Besson...